Suite à la perte d’une issue de secours en vol par un Boeing B737-9 d’Alaska Airlines, le 5 janvier 2024, les 171 avions de ce type actuellement en service dans le monde ont été cloués au sol avec l’obligation de procéder à une inspection avant le retour en vol. Pour autant cela ne règle pas un autre problème, celui des inspections qualités au sein des chaînes d’assemblages de l’avionneur Boeing.
Reconnaissance des faits
Le PDG de Boeing, David Calhoun, a reconnu « l’erreur » de l’entreprise à la suite de l’incident d’Alaska Airlines lors d’une « réunion de sécurité » à l’échelle du personnel la semaine dernière. « Nous allons aborder ce moment en reconnaissant notre erreur », a déclaré Calhoun dans son usine B737 MAX de Renton à Washington. « Nous allons l’aborder à 100% et en toute transparence à chaque étape du processus. ». Il a également déclaré avoir été « secoué jusqu’aux os »par l’accident, qui a ravivé la pression sur Boeing sur sa famille de monocouloirs remotorisés, en difficulté près de cinq ans après une véritable crise de sécurité du MAX déclenchée par des accidents mortels en Indonésie et en Éthiopie.
Le plus haut responsable de la construction aéronautique de l’entreprise, Stan Deal, président-directeur général de Boeing Commercial Airplanes, a également indiqué le 8 janvier que Boeing reconnaissait « la véritable gravité de l’accident »alors qu’il lançait des contrôles sur ses contrôles de qualité et de ses processus. « Nous sommes d’accord et soutenons pleinement la décision de la FAA d’exiger des inspections immédiates des avions 737-9 MAX ayant la même configuration que l’avion concerné. Nos équipes ont travaillé avec diligence – avec un examen approfondi de la FAA – pour fournir des instructions techniques complètes aux opérateurs pour les inspections requises. Ce matin, notre équipe a donné les instructions via un message multi-opérateur. Nous travaillons en étroite collaboration avec les clients du 737-9 MAX et leur fournissons l’assistance technique dont ils pourraient avoir besoin, tout en restant en contact avec la FAA à mesure que nous avançons. ».
Première conclusion
Les premières inspections imposées par la FAA (Federal Aviation Administration), viennent de constater que des défauts de serrage de boulons sur plusieurs de avions ont été trouvés. Si la perte de l’issue de secours en vol est consécutive à un mauvais serrage des boulons qui la fixaient au fuselage, force est de constater que cet incident a sans doute permis d’éviter un accident plus grave dans les semaines ou les mois à venir, grâce aux inspections en cours.
Les mesures
Deux types de mesures sont engagées, la première vient du lancement par Boeing d’un audit interne du système de gestion de la qualité pour les avions commerciaux, y compris les programmes et pratiques qualité dans les installations de fabrication de l’avionneur et sa surveillance de la qualité des fournisseurs commerciaux. Ses recommandations seront fournies au PDG David Calhoun et au comité de sécurité aérospatiale du conseil d'administration de Boeing. Pour ce faire Boeing vient nommé l'amiral Donald et une équipe d'experts externes, qui procéderont aux expertises nécessaires.
"L'amiral Donald est un leader reconnu pour garantir l'intégrité de certains des systèmes de sécurité et de qualité les plus complexes et les plus importants au monde », a déclaré Calhoun. « Je lui ai demandé de fournir une évaluation indépendante et complète avec des recommandations concrètes pour renforcer notre surveillance de la qualité dans nos propres usines et dans l'ensemble de notre système étendu de production d'avions commerciaux. Lui et son équipe bénéficieront de tout le soutien dont ils ont besoin de ma part et de toute la société Boeing ».
L'amiral Donald a servi comme officier de sous-marin nucléaire pendant 37 ans. Lors de sa dernière affectation dans la Marine , il a été directeur du programme de propulsion nucléaire naval pendant huit ans, assurant le fonctionnement sûr et efficace de tous les navires de guerre à propulsion nucléaire et des infrastructures de soutien. Le programme est reconnu dans le monde entier pour son excellence en matière de sûreté et de fiabilité des réacteurs. Il est actuellement président du conseil d'administration de la plus grande entreprise de construction navale militaire des États-Unis , Huntington Ingalls Industries, Inc. Il préside également le conseil d'administration de l'organisation à but non lucratif Battelle. Son mandat au conseil d'administration public comprend également Entergy Corporation, où il est président du comité nucléaire. L'amiral Donald est diplômé de l' Académie navale des États-Unis avec un baccalauréat ès sciences en génie océanique.
Dans autre registre, la Federal Aviation Administration (FAA), envisage de son côté de retirer à Boeing l’autorité de contrôle et inspection des appareils. La FAA a officiellement informé Boeing qu'elle menait une enquête pour déterminer si Boeing n'a pas réussi à s'assurer que les produits finis étaient conformes à sa conception approuvée et étaient dans un état d'exploitation sûre conformément à la réglementation de la FAA. Les pratiques de fabrication de Boeing doivent se conformer aux normes de sécurité élevées auxquelles elles sont légalement responsables. La sécurité du public volant, et non la vitesse, déterminera le calendrier de retour du Boeing B737-9 Max en service. Une décision et donc attendue prochainement de l’autorité de régulation et ceci indépendamment des mesures engagées par l’avionneur.
Quel impact sur le marché ?
La mise à l’arrêt ainsi que les livraisons de B737-9 MAX devrait durer plusieurs jours et peut-être même s’allonger, si de nouvelles malfaçons sont constatées. La reprise des vols dépends essentiellement des processus correctifs requis, pour autant que ceux-ci puissent être simples. Dans le cas contraire, Boeing devra faire face à une crise plus profonde. On ne sait pas encore comment ce problème de qualité va impacter le calendrier de certification des MAX-7 et MAX-10 et d'autres programmes, de l’avionneur. De plus, les capacités futures en ce qui concerne l’accélération de la production d'avions de la famille B737 MAX, pourrait également être affectée. L’avenir nous dira comment les processus de Boeing doivent être ajustés et quelles seront les décision prises par la FAA. Ensuite seulement, il sera possible d’évaluer l’impact réel sur le marché.
La réputation de l’avionneur
L’image était remontée avec les livraisons et surtout une demande qui s’est accélérée l’année dernière. Boeing fait face à un nouveau défi de réputation pour son programme « MAX ». Pour autant, cet incident n’a pas fait heureusement de victime et l’impact auprès des compagnies aériennes reste limité. David Calhoun expliquait qu’il fallait à l’entreprise un certain don de résilience pour régler des problèmes qui n’étaient au final pas récents. Il est vrai que les problèmes de qualités gangrènes l’avionneur depuis un certain temps. Cette dernière a dû faire face à un nombre important de départs à la retraite entre 2015 et 2020. La crise du COVID a vu également des employés être licenciés et/ou partir de leur plein gré. Plusieurs équipes ont subi un changement de personnel que l’on peut qualifier de déstabilisant. Cette nouvelle crise pourrait par contre permettre à l’avionneur de régler cette fois en profondeur la gestion et la formation des équipes d’assemblage et de restructurer les procédés de contrôle une fois pour toute. C’est en tout cas la volonté affichée par le PDG de Boeing.
Photos : L’avion incriminé @ Alaska Airlines
Comentarios