Le dossier coinçait depuis plusieurs mois, car Berlin devait prendre clairement position sur l’éventuelle vente d’Eurofighter Typhoon II ». La décision favorable vient de tomber.
Eurofighter T1 @ RAF
Le dernier mot
Si Londres et Madrid et Rome n’ont jamais été gênés d’une vente potentielle d’Eurofighter à la Turquie, Berlin ne semblait de son point de vue pas très optimiste. Deux raisons motivaient l’Allemagne à un refus. Le premier concerne la résistance persistante de la Turquie à ratifier l’adhésion de la Suède à l’OTAN. En effet, Ankara est particulièrement mécontente de ce qu’elle prétend être la position de sympathie de la Suède à l’égard des militants kurdes. Un second facteur concerne les propos d’Erdogan à la fois antisémites et anti-Occident récemment prononcés. De plus, le Premier ministre turc durant sa visite à Berlin a prononcé un discours « très anti-israélien » qui a été très mal reçu. À l’époque, Berlin était également préoccupé par le forage de gaz naturel en Méditerranée orientale. Ajoutons que l’Allemagne a une politique d’exportation d’armes particulièrement stricte.
Mais à force de discussions, Berlin vient de donner son feu vert à la vente potentielle de 40 avions de combat Eurofighter destinés à la Turquie. Le paquet comprend également 100 missiles de défense aérienne RAM produits par MBDA, d'une valeur de 100 millions d'euros, et 28 torpilles DM2A4 SeaHake de la division maritime de Thyssenkrupp, d'une valeur de 156 millions d'euros. Les offres supplémentaires comprennent des paquets de matériel pour la modernisation des sous-marins turcs de type 209, budgétés à 79 millions d'euros, et des pièces de moteur pour des corvettes et des frégates turques d'une valeur de 1,9 million d'euros.
Cette décision marque un changement notable dans la politique d'exportation d'armes de l'Allemagne. La Turquie, membre de l'OTAN, a également cherché des alternatives pour répondre à ses besoins de défense, en développant des équivalents nationaux aux torpilles DM2A4 et aux missiles RAM.
Pourquoi des Eurofighter ?
Si la Turquie développe son futur avion de combat de 5e génération, le TF-KAAN (avianews 10.05.24), il lui faut impérativement combler le départ à la retraite des vieux McDonnell F-4 « Phantom II » ainsi qu’un premier lot de F-16, les plus anciens. Le dernier escadron de F-4 « Terminator » encore exploité par l'armée de l'air turque aujourd'hui a été considérablement modernisé. Les Phantom turcs, modernisés avec l'aide d'Israël, ont été désignés F-4 Terminator . Ces derniers ont eu 20 km de câblage interne remplacés par des systèmes modernes plus légers, réduisant leur poids de 750 kg et améliorant ainsi considérablement le rapport confiance/poids de l'avion, le rendant plus maniable et mieux adapté aux engagements air-air. De nouveaux accessoires de fixation permettent aux Phantoms turcs de déployer plus efficacement des armes modernes, tandis qu'une avionique moderne, notamment les systèmes Kaiser EL-OP HUD et HOTAS, un radar Doppler à impulsions EL/M-2032 avancé et des ordinateurs de mission et équipements de navigation israéliens de pointe, ont tous été ajoutés. Des nacelles de guerre électronique de pointe, des nacelles de ciblage et la capacité de déployer des munitions modernes ont fait des Phantoms turcs des plates-formes de combat modernes viables. Pour autant, les cellules ainsi que la motorisation vieillissent et les pièces détachées commencent à se faire rares.
Ce qui détonne dans la demande d’Ankara, vient du fait que la demande concerne des avions d’occasions. En effet, la demande concerne l’achat de deux lot 20 Eurofighter au standard Tranche 1, soit la plus ancienne version et la plus difficile à moderniser. Une « occasion » pour l’Espagne et l’Angleterre qui cherchent désespérément à se débarrasser de cette encombrante version, dont personne ne veut. On peut imaginer que la Turquie désire une mise à jour avant le transfert des appareils avec un équipement plus moderne tel que le radar et l’apport de missiles ayant des capacités au-delà de la portée visuelle et des munitions air-sol avancées.
Les Français vont pleurer sur cette information !